Elle participe à ce qui peut être décrit comme l’achat le plus important dans votre vie, votre logement. De quoi parlons-nous ? De l’offre d’achat immobilière bien évidemment. De cette action formelle ou informelle, qui vous fera accéder à la propriété !
Peu nombreux sont ceux qui perçoivent toutes les subtilités de cette étape. On se souvient tous de notre premier achat, de la montée d’adrénaline, l’attente d’une réponse positive, la joie qui accompagne cette acceptation. Mais nous gardons surtout en mémoire cette crainte, face à tant d’engagements juridiques et financiers.
Quelle est sa valeur ? Comment se formalise-t-elle ? Comment marque-t-elle l’engagement des parties ? Comment éviter les écueils ? C’est ce à quoi nous allons tâcher de répondre dans le présent article.
LES PRÉMICES DE L’OFFRE D’ACHAT
Pour la réalisation d’une vente immobilière, il est tout d’abord nécessaire que le consentement du vendeur rencontre celui de l’acquéreur, c’est la base.
Le consentement du vendeur se formalise par exemple, par une annonce, qu’il va poster directement ou par le biais d’un professionnel. Généralement sous format numérique ou papier, son rôle est de transmettre les éléments essentiels du bien immobilier : localisation, prix, surface, etc.
Le vendeur espère alors obtenir l’intérêt d’un acheteur, qui signifiera son désir d’acquérir le bien.
Deux solutions s’offrent à notre acheteur :
• accepter l’offre de vente dans les mêmes conditions, c’est une acceptation,
• faire une contre-proposition à des conditions différentes, c’est alors une nouvelle offre qui sera soumise au même régime juridique que l’offre de vente.
Mais faisons un arrêt sur image. Mettons-nous en situation.
Vous êtes primo-accédant et en recherche de votre résidence principale. Vous n’êtes pas un habitué des achats immobiliers et n’avez pas connaissance du formalisme qui l’accompagne.
Après avoir visité quelques biens, vous jetez votre dévolu sur LA perle rare ! Ni une ni deux, vous déclarez au propriétaire (ou son intermédiaire), votre intention d’acheter le bien aux conditions déterminées, ou pas.
Vous vous lancez généralement dans la rédaction d’une offre d’achat.
Attention, il faut distinguer l’offre d’achat de la promesse, qui suppose un accord de volontés du vendeur et de l’acquéreur.
Cette dernière est un contrat qui emporte des effets juridiques plus contraignants pour les “promettants” et qui ne sera pas envisagée dans le cadre du présent article.
LE FORMALISME DE L’OFFRE D’ACHAT
L’offre en soi n’est soumise à aucune condition de forme, elle peut être aussi bien écrite que verbale, expresse ou tacite, mais ne peut être équivoque.
C’est là qu’intervient généralement la première difficulté, le FOR-MA-LIS-ME !
Ne négligez pas cette étape, c’est à ce moment précis que tout se joue.
Naturellement, nous conseillons un écrit précis, daté et signé afin de se constituer la preuve de son caractère clair et non équivoque (Cass., 3 ème Civ., 17 janvier 2019, n° 17-26.162).
Si votre interlocuteur est une agence, elle pourra certainement vous communiquer un exemplaire type.
Dans le cadre d’une vente en direct avec le propriétaire, rapprochez-vous de votre conseil (avocat, notaire) pour obtenir son aide. L’offre d’achat doit être ferme et précise pour être valable juridiquement (article 1114 Code civil).
“Ferme”, car l’acheteur doit être animé d’une intention définitive de contracter.
“Précise”, car l’ensemble des éléments nécessaires pour conclure la vente et notamment l’indication claire de l’immeuble proposé à la vente et son prix.
Elle ne doit être entachée d’aucune hésitation et marquer votre intention définitive de contracter. Aucune réserve ne doit permettre à l’offrant de se rétracter unilatéralement.
LES CONDITIONS SUSPENSIVES D’UNE OFFRE D’ACHAT
Vous pouvez cependant intégrer des conditions suspensives dans votre offre. La plus courante d’entre elles étant l’obtention d’un prêt, dès lors que cette condition ne repose pas uniquement sur la volonté unilatérale de l’offrant.
Il convient cependant de préciser qu’une offre d’achat assortie d’une condition suspensive n’est pas une acceptation pure et simple. Elle nécessitera l’acceptation de la part du vendeur, cela fait souvent partie de la négociation.
Alors qu’en l’absence de conditions suspensives, si l’offre d’achat est parfaitement conforme à l’offre de vente, alors le vendeur ne pourra pas la refuser.
Ensuite, une condition suspensive n’est pas valable si sa réalisation dépend uniquement de la volonté de l’offrant (article 1304-2 du Code civil).
De plus, elles doivent être assorties d’un délai dans lequel la condition devra être remplie.
Enfin, la condition est considérée comme accomplie si le bénéficiaire de la condition a empêché sa réalisation (article 1304-3 du Code civil).
Traditionnellement, les conditions suspensives insérées dans les offres d’achat sont :
• l’obtention d’un prêt immobilier qui répond à une réglementation spécifique (articles L.313-1 et
suivants du Code de la consommation) ;
• le défaut d’exercice d’un droit de préemption ;
• l’absence de servitude conventionnelle ou administrative grevant l’immeuble ;
• la vente d’un bien immobilier ;
• la délivrance d’un certificat d’urbanisme ;
• l’obtention d’un permis de construire ou d’une demande préalable.
Ces conditions suspensives permettent aux parties d’être libérées de leurs obligations en cas de défaillance de l’une des conditions.
L’euphorie immobilière et la flambée des prix dans les grandes métropoles ont favorisé l’éclosion d’une pratique déloyale touchant à ces fameuses conditions de vente.
Tout est parti de l’exaspération des acquéreurs, usé par un marché tendu où les biens se font rares et les prix élevés. Excédés de voir leurs offres déclinées par les propriétaires, qui leur auront préféré une personne “achetant cash”, ces derniers se sont mis à indiquer faussement dans leur offre d’achat, qu’ils n’auront recours à aucun prêt pour financer le bien, ou toute autre condition.
Le but étant d’éviter tout obstacle à la réalisation de la vente. Une aubaine pour le vendeur mais un risque réel pour l’acheteur, surtout si son crédit lui est refusé par une banque, il ne pourrait alors se désengager sans risquer le versement d’une indemnité au propriétaire, généralement équivalente à 10% du prix d’achat.
Mais quelle déception pour le vendeur, au jour du compromis, de voir son acquéreur intégrer dans l’avant- contrat via son notaire, avoir recours à une condition suspensive de financement.
Dans ce cas, en raison du caractère malhonnête de cette manœuvre, le vendeur n’est plus tenu de contracter avec cet acquéreur compte tenu de l’ajout unilatéral d’une condition suspensive au compromis, déterminante dans l’issue de la vente ; ce qui est le cas d’une condition suspensive de prêt (CA Rennes, 2 ème ch., 17 décembre 2019, n°16/09567).
Surtout, le vendeur peut engager la responsabilité de l’acquéreur sur le terrain du défaut d’information précontractuelle et du dol, compte tenu de l’importance d’une telle information dans le consentement du vendeur (articles 1112-2 et 1137 du Code civil). L’acquéreur sera alors condamné au versement de dommages et intérêts.
Par ailleurs, si l’offrant maintenait son refus de financer le bien au moyen d’un prêt lors du compromis, il devra déclarer dans l’acte avoir été informé que s’il recourt néanmoins à un prêt, il ne pourrait plus se prévaloir de cette condition suspensive (article L.313-42 du Code de la consommation).
Ainsi, en cas de refus d’octroi du prêt, l’acquéreur sera néanmoins tenu d’acheter le bien.
D’où l’importance pour un vendeur ou son intermédiaire, de vérifier la fiabilité et le sérieux de leur interlocuteur.
LA POSSIBILITÉ DU VENDEUR DE SE RÉTRACTER SOUS CONDITIONS
D’un point de vue purement juridique, il convient de distinguer selon si l’offre de vente est parvenue à son destinataire :
• si non : le vendeur peut se rétracter librement sans engager sa responsabilité (article 1115 Code civil) ;
• si oui : le vendeur peut valablement rétracter son offre au terme du délai prévu par l’offre ou bien d’un délai raisonnable (article 1116 Code civil).
Dans le cas où le vendeur ne respecterait pas ces délais, l’article 1116 de ce Code prévoit que la révocation de l’offre empêche tout de même la conclusion du contrat, ce qui rompt avec la jurisprudence précédant la réforme du droit des obligations qui admettait la réalisation forcée de la vente dans certaines circonstances.
Toutefois, dans ce cas, le vendeur engage sa responsabilité délictuelle et peut être condamné à indemniser le préjudice de l’acquéreur qui aurait valablement accepté l’offre de vente pendant ce délai (article 1240 et suivants du Code civil).
Cependant, le vendeur ne saurait être contraint de compenser les avantages escomptés par la vente.
Une règle difficile à appliquer dans la pratique notamment du fait qu’il reste très compliqué pour un acheteur d’apporter la preuve de son antériorité.
Tout comme il est complexe d’avoir la preuve que l’intermédiaire du propriétaire a bien transmis son offre d’achat.
LA MARGE DE MANŒUVRE DU VENDEUR FACE À UNE PLURALITÉ D’OFFRES D’ACHAT
Un autre phénomène s’est aussi accentué avec l’envolée des prix ces dernières années, celui de la pluralité d’offres d’achat. Une législation très stricte encadre ce cas de figure de façon à déterminer clairement le lauréat.
Lorsque plusieurs offres d’achat parfaitement conformes aux termes de l’offre de vente, c’est-à-dire sans conditions suspensives, parviennent au vendeur, c’est l’antériorité de la réception de la première acceptation qui prévaut.
En effet, la Cour de cassation, dans un arrêt de principe disposait que :
“Attendu que l’offre faite au public lie le pollicitant à l’égard du premier acceptant
dans les mêmes conditions que l’offre faite à une personne déterminée”
(Cass., 3 ème Civ., 28 novembre 1968, n° 67-10.935).
Plus clairement, c’est la règle du « premier arrivé, premier servi » qui doit prévaloir en présence d’offres similaires.
A titre exemple, lorsque toutes les offres de vente prévoient une condition suspensive de prêt, alors l’offre d’achat réceptionnée en premier par le vendeur devrait prévaloir.
L’acheteur qui est en capacité de prouver que son acceptation a été réceptionnée en premier par le vendeur pourra obtenir des dommages et intérêts si le vendeur préfère une autre offre.
Par conséquent, le vendeur conserve sa liberté de choix s’agissant des offres d’achat conformes à l’offre de vente reçues en même temps, ou encore lorsque les offres d’achat diffèrent des conditions de l’offre de vente.
LE RÔLE DE L’AGENT IMMOBILIER
D’après l’article 1993 du Code civil, le mandataire est obligé de rendre compte à son mandant et de lui transmettre les informations résultant du mandat :
“Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant.”
Plus explicitement, l’article 8 – 5° du Code de déontologie des agents immobiliers prévoit que : « Dans l’exercice des missions qui leur sont confiées, les personnes mentionnées à l’article 1er promeuvent les intérêts légitimes de leurs mandants, dans le respect des droits et intérêts des autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées. Elles s’obligent : (…) 5° À transmettre à leur mandant dans les meilleurs délais toute proposition répondant au mandat confié ; »
Ainsi, l’agent immobilier est contraint de transmettre l’ensemble des offres d’achat à son mandant, le vendeur, même si les termes de celles-ci sont très éloignés de l’offre de vente.
La pratique peut révéler une réalité différente.
Chaque professionnel a sa méthode, mais il peut arriver que des agents décident de filtrer certaines offres et ce pour diverses raisons :
• Privilégier un acquéreur plutôt qu’un autre
• Éviter qu’une pluralité d’offres fasse douter le propriétaire et qu’il pense ne pas avoir vendu son bien assez cher.
• etc.
Une nouvelle fois, c’est à l’acquéreur qu’il reviendra d’apporter la preuve de ce manquement, pas simple.
Et pour l’acheteur qu’en est-il ?
LA MARGE DE MANŒUVRE DE L’ACHETEUR
En principe, l’acheteur peut rétracter son offre tant que le vendeur ne l’a pas réceptionnée (article 1118 Code civil).
Après réception de l’offre par le vendeur, l’acheteur est contraint de maintenir son offre pendant la durée prévue dans l’offre ou pendant un délai raisonnable si l’offre ne prévoit pas de délai.
Cependant, en pratique, si l’acheteur souhaite annuler son offre d’achat, le vendeur ne dispose pas de moyens de pression suffisamment efficaces pour le contraindre à poursuivre la vente.
En effet, même s’il pouvait obtenir de l’acheteur la signature d’une promesse de vente, ce dernier aurait tout le loisir de se rétracter, sans le moindre motif justificatif, pendant la durée du délai de rétractation prévu par l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Ainsi, en pratique, l’acheteur peut librement rétracter son offre sans craindre d’engager sa responsabilité.
Vous allez donc finalement vous poser la question : Mais quand un vendeur est-il enfin lié par l’acceptation ?
L’ENGAGEMENT DÉFINITIF DU VENDEUR
L’article 1118 du Code civil prévoit que : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue. »
Ainsi, la théorie retenue par le Code civil met un terme à une jurisprudence hésitante en considérant que le contrat est conclu dès réception par le vendeur de l’offre et non à compter de son émission.
D’un point de vue probatoire, il n’est pas nécessaire de prouver que le destinataire de l’offre en ait eu effectivement connaissance, seule sa réception suffit.
Là encore, la pratique a permis de dégager des exceptions, et de voir des propriétaires se désengager bien après leur acceptation. Comment ? Par manque de formalisme dans l’offre d’achat (CQFD), ils ont pu alors recouvrer leur liberté.
Il existe d’autres raisons bien définies pour invoquer la caducité d’une offre d’achat (cf. Art. 1117 du Code civil) :
• à l’expiration du délai fixé dans l’offre ;
• à défaut de délai fixé dans l’offre, au terme d’un délai raisonnable ;
• en cas d’incapacité ou de décès de son auteur ;
• en cas de décès de son destinataire ;
Si l’une de ces hypothèses se réalise, alors l’offre n’est plus valable et il n’est plus possible de se prévaloir d’une quelconque offre.
Cette notion de “délai raisonnable” est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass., 3 ème Civ., 25 mai 2005, n° 03-19.411). Ce délai dépend des circonstances de l’offre et des intentions exprimées par l’offrant (Cass., 3 ème Civ., 20 mai 1992, n° 90-15.910).
A titre d’exemple, il a été jugé que :
• une acceptation intervenue dans les 5 semaines de l’offre n’était pas déraisonnable (Cass., 3 ème Civ., 25 mai 2005, n° 03-19.411) ;
• l’acceptation à une offre de vente d’un fonds de commerce dans un délai de 3 mois est raisonnable (Cass., Com., 27 avril 2011, n°10-17.177) ;
• au contraire, la Cour de cassation a jugé qu’un délai de 4 mois excédait le raisonnable (Cass., 3 ème Civ., 24 janvier 2012, n° 10-27.965).
Vous avez pu avoir un aperçu global des complexités qui entourent le sujet de l’offre d’achat immobilière. Son régime est complexe, ses effets juridiques restent cependant moins conséquents que ceux induits par la promesse de vente et l’acte authentique de réitération.
Il n’en demeure pas moins qu’elle doit être prise au sérieux car elle est le fondement de la relation juridique et commerciale entre le vendeur et son acheteur. Sollicitez les connaissances de professionnels vous permettra la plupart du temps de sécuriser votre achat/vente et vous assurer d’une opération sans embûches.